Les 60 propositions issues du Congrès d’Angers 22.23
Qui dit « harcèlement au travail » dit « enquête » : est-ce l’unique reflexe ? De la loi à ce qui fait loi, quelle place pour la parole des sujets au travail ?
Nous sommes souvent sollicités par des responsables d’entreprises et d’institutions qui nous font part de leurs difficultés ou constatent les obstacles dans la manière dont les situations de « harcèlement » sont traitées.
Il n’y a aucun doute sur l’importance accordée désormais à ces situations et nous constatons que la loi et la jurisprudence se sont renforcées ; en France, par exemple la loi du 31 mars 2022 sur la santé au travail englobe les agissements sexistes dans le champ du harcèlement et la notion de répétition est abrogée. Pour autant, comment concrètement se saisir de ces alertes en étant attentifs aux différents enjeux et aux personnes qui ont le courage de nommer les choses ou pourraient l’avoir si elles étaient assurées que leurs difficultés et leur personne soient entendues sans aller trop vite enclencher tel ou tel process au risque de s’y perdre et d’y perdre?
En effet, dans chaque institution, une culture est en place, des habitudes, des pratiques, des modalités relationnelles, des vécus subjectifs…Les employeurs sont donc confrontés à une « logique juridique », une « logique institutionnelle » (culturelle et de processus) et une « logique subjective » faite du vécu de chacun « victime » ou « auteur », tous deux des sujets ; en d’autres termes à la loi, à ce qui fait loi, et à une éthique relationnelle.
Penser les alertes ou prévenir les risques nous invite à travailler la place de la parole aujourd’hui dans les organisations ; une parole prise au sérieux, une parole qui accueille la division et l’ambivalence de celui qui parle, de celui qui fait problème sans l’enfermer dans le problème. Une parole prise au sérieux, c’est aussi une écoute qui fait confiance à ceux qui sont directement concernés.
La médiation peut avoir une place pertinente dans les choix à mobiliser pour faire place au vécu des personnes et permettre un espace qui soigne les conditions à réunir pour que des écarts de représentations et de vécus soient énoncés et entendus dans un même espace, un même temps en présence d’un tiers.
Si une médiation au sens d’une rencontre n’est pas possible comment « faire médiation » ?
- Entendre (et tenir compte) dès les premiers signaux les attentes et des véritables besoins des personnes qui alertent ? (écoute, limites posées, réparation, compréhension, sanction…). En tout premier lieu, porter l’attention sur les conditions à réunir pour qu’une démarche soit envisagée : la capacité/le souhait des personnes à envisager une rencontre ou pas, le degré de reconnaissance des faits par l’auteur, sa conscience (ou la banalisation de l’impact), la concordance des attentes en termes de compréhension/réparation/reconnaissance.
- Prendre le temps d’évaluer la situation à partir de plusieurs points de vue avant de lancer toute démarche afin de ne pas ajouter de difficultés aux situations déjà délicates.
- Préparer la rencontre si les conditions sont réunies ou travailler d’autres démarches de type informel ou formel allant de la sensibilisation à la sanction: entretiens séparés sans rencontre, sensibilisation des acteurs, coaching/accompagnement, rappel du cadre et sanction.
Ces situations nous interpellent sur la place de la médiation en matière de prévention et sur l’articulation entre le droit et la reconnaissance des vérités subjectives, condition d’une éventuelle réparation et d’un dépassement de la souffrance engendrée par des comportements inappropriés.
Pour en savoir plus : Les rencontres d’Angers auxquelles nous avons participé ouvrent des perspectives sur l’usage de la médiation dans différents champs.