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En médiation singulière#1: La parole en présence

Laure V

"Face aux effets des mutations actuelles du travail, une médiation singulière prend au sérieux la dimension de sujet des personnes accompagnées, accueille et fait place à leur singularité et soutient leur inventivité face aux difficultés qu’elles rencontrent. Comment cela opère-t-il ? Que se passe-t-il au juste en médiation singulière ?"

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La parole en présence

 

Se trouver assis en présence d’une personne disposée à nous entendre tient presque de la curiosité dans le travail actuel.

 

Non pas parce qu’il serait impossible de parler ou de se rencontrer, mais parce que la plupart des activités de travail impliquant des relations avec d’autres (collègues, hiérarchiques, clients, usagers, etc…) sont désormais majoritairement filtrées par des interfaces.

 

Ce n’est peut-être pas pour rien que s’est installé dans le discours courant depuis la crise du Covid un duo d’expressions mettant en regard les relations avec interface, dites « en distanciel » et les relations sans interface, dites « en présentiel ».

 

Cette symétrie des deux expressions laisse supposer que ces modalités seraient substituables.

 

De plus, dire d’un rendez-vous ou d’une réunion qu’elle aura lieu « en présentiel » fait littéralement entendre que la présence n’en est plus la condition.

 

« En présentiel », il n’y aura pas d’interface : on y sera sans doute présent, mais y sera-t-on pour autant en présence ?

 

Car, en présence, la parole ne laisse jamais indifférent.

 

Elle touche au corps de la personne qui parle, elle touche au corps de la personne à laquelle elle est adressée.

 

La parole en présence met ainsi en relation des corps parlants.

 

En latin, praesentia signifie : le fait d’être dans un lieu.

 

Dès lors qu’il y a un lieu où sont en relation des corps parlants, la parole expose chaque personne à la surprise de s’entendre dire autre chose que ce qu’elle croyait dire, mais aussi à la surprise des effets de ce dire sur l’autre personne.

 

Ce qui a lieu en présence, c’est qu’il y a de l’autre qui inévitablement y prend place.

 

Les modes actuels d’organisation du travail privilégient les interfaces qui s’interposent entre les corps parlants et ainsi soumettent les relations de travail à un filtrage des traits de singularité.

 

En médiation singulière, le pari est fait que seule la parole en présence peut permettre à une personne en demande d’accompagnement de penser véritablement les situations auxquelles elle se confronte.

 

Car la parole en présence fait signe, même à bas bruit, de la singularité de la personne qui parle.

 

Celle-ci, chemin faisant, va alors dire en présence quelque chose d’autre que ce qu’elle sait déjà, que ce qu’elle a déjà dit, que ce qu’elle croit vouloir dire.

 

Soutenue dans cet acte de parole par le praticien qui la reçoit, la personne se voit autorisée à parler en son nom, engageant un mouvement par lequel elle peut passer à autre chose : un changement de position, une prise de décision.

 

Un mouvement s’opère pour la personne dans sa propre parole dès lors que son dire peut être entendu dans son usage singulier de la langue.

 

Cette langue, comme l’écrit Marielle Macé dans son ouvrage Une pluie d’oiseaux, que nous parlons « non pas pour s'assurer d'être absolument compris […] mais pour arpenter l'espace qui nous sépare et nous conjoint, et en faire quelque chose ».

 

Daniel Migairou, octobre 2024.

 
 
 

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